Le mois de février est arrivé et je suis tout excité à l’idée de connaître enfin cette île qui nourrit mes fantasmes depuis de nombreuses années ! Cuba la communiste, Cuba des Caraïbes, Cuba de la salsa et de la musique de Compay: la promesse de l’éveil des sens à son paroxysme.
Depuis toujours mes amis voyageurs ne tarissent pas d’éloges sur les vertus d’une visite de la plus grande île des Grandes Antilles: désignée comme un haut lieu du socialisme par certains, celle de la musique, de la fête et du cigare pour d’autres, enfin et surtout un pays où le régime politique a tellement contraint les gens dans le repli en empêchant les contacts avec l’extérieur que les échanges s’en trouveraient d’autant plus riches.
Nous partions dans cet état d’esprit et n’avions rien prévu. Nous organiserions notre voyage au fil des rencontres.
Après un peu de recul à méditer sur ce mois de voyage et ces nombreux témoignages (qui planeront sur cet article sans jamais clairement apparaître), je vous livre ici mes pensées et réflexions sur Cuba. Pour être clair dès maintenant, loin de moi l’idée de vous détourner de cette destination. Si vous en rêvez, allez-y (les cubains ont toujours besoin de vous) ! Cependant, partez les idées plus claires et je suis certain que vous passerez un meilleur voyage.
Sommaire
Cuba n’est pas socialiste
Je sais bien que Cuba est une dictature mais la désinformation est telle que les fantasmes sont tenaces. Le socialisme, c’est un format de partage, c’est ça !? Le blocus américain a empêché les cubains d’avoir accès à la plupart des produits mais il y a un certain pied d’égalité, suis-je dans le juste ? Cuba est un pays pauvre où les gens sont heureux car ils vivent tous dans la même galère, ai-je bien compris ?
Pas du tout. Dès mon arrivée à la Havane, je dois dire que le choc a été grand. J’avais décidé de loger dans un quartier en bordure du centre ville et me trouvais à 20 minutes à pied de la vieille ville. La capitale cubaine est impressionnante et ses quartiers, si pauvres soient-ils, sont une merveille de couleurs et de vie. Cependant l’arrivée dans le centre touristique de La Havane est un véritable choc : murs blancs, rues piétonnes pavées, bâtiments rénovés et magnifiques, hôtels de luxe, cafés et bars flambants neufs… On m’explique qu’un mécène investit pour rénover la vieille ville peu à peu. Très bien ! Ma première réflexion est que cela sert majoritairement les touristes quand les cubains des quartiers populaires vivent souvent dans des logements insalubres.
Le reste de notre voyage nous permit de revoir nos vérités.
Un système en mutation
Depuis quelques années, les cubains peuvent demander à créer une entreprise individuelle. Après quelques années à travailler pour l’état et démontrer son patriotisme, le jeune entrepreneur fera une demande de création d’activité et aura la possibilité de se lancer à son compte. Ainsi des commerces, des entreprises et les « casas particulares » (logement chez l’habitant) ne sont pas rattachés à l’état communiste mais ce sont bien des entreprises individuelles taxées par l’état.
Savez-vous que la propriété existe à Cuba ?
Quand bien même un cubain travaillerait à un poste à la technicité élevée, il ne serait payé qu’une misère (les salaires cubains payés par l’état ne dépasseraient pas l’équivalent en pesos cubains de 60€/mois). En revanche, à la mesure que vous prenez des responsabilités, la pratique permet d’être payé en nature, souvent un logement ou/et un véhicule. Les « casas particulares » par exemple sont souvent l’héritage du travail ou de la prise de responsabilité (dans le travail ou dans le parti) et appartiennent la plupart du temps aux habitants qui vous accueillent.
Des disparités toujours plus grandes
Quand ceux qui ont « bénéficié » d’un système « communiste » peuvent exercer un métier individuel ou accueillir les touristes (et je dirais « tant mieux pour eux »), véritable manne libératrice de la misère ambiante, d’autres se trouvent dans une pauvreté extrême.
Non pas que ces micro-entreprises ne soient pas taxées, car elles le sont de façon importante apparemment (difficile à vérifier), mais la re-distribution vers les classes les plus pauvres ne semble pas exister.
Quand ceux qui bénéficient de l’apport de ressources touristiques ou de l’aide de sa famille exilée aux États-Unis (4 millions de Cubains y vivent et le rapatriement de devises est la seconde richesse du pays), peuvent acheter des terrains à l’état (oui, c’est possible) et même se permettre de faire construire, d’autres doivent user d’un capitalisme sauvage en profitant de l’embargo pour spéculer sur des arrivages de produits rares pour survivre.
Un arrivage de déodorants ? Organisation, achat groupé massif, assèchement de la ressource et revente au prix fort.
Soins et éducation gratuits: manipulation médiatique ?
Depuis toujours, ce débat existe en France et ailleurs : le régime communiste de Cuba peut-il être un système alternatif à nos démocraties vieillissants ? Des soins et l’éducation gratuits rendent-ils un régime totalitaire acceptable ?
Le trafic de soins
Quand certains nous bassinent sur cette gratuité fantastique qui fait de Cuba une légende à elle toute seule, la réalité n’est pas si reluisante.
L’embargo a sa part de responsabilité: peu de médicaments, peu de matériel.
Le système apporte son lot de conséquences désastreuses: la pauvreté amène la nécessité de survivre et le peu d’arrivage de médicaments et matériel se trouve bien souvent amputé pour une spéculation ultérieure. Les médecins, très bien formés à Cuba, n’y restent souvent pas. L’attrait d’un salaire plus convenable dans les pays voisins les motive plutôt à partir. Les soins basiques tels que l’accouchement sont bien pris en charge et assurés avec le sérieux nécessaire. En revanche, un format de corruption existe pour s’assurer d’être soigné comme il se doit ; petits cadeaux et dessous de table ne ressemblent pas, selon moi, au système rêvé pour assurer une égalité devant la santé.
Mais que fait l’état pour s’assurer que ses structures publiques respectent la loi du communisme ?
Éducation pour un métier, oui
De tout ce que nous avons perçu et entendu, l’éducation professionnelle cubaine semble donner des résultats très positifs. Certains cubains sont à la pointe de leur métier (médecins, ingénieurs du pétrole, etc.) et s’exportent même hors des frontières pour représenter la grandeur du pays à l’international.
Nous avons rencontré de nombreux cubains d’un niveau d’étude très élevé. Cependant ce qui ressort généralement de nos échanges très animés est une certaine pauvreté d’idées. Leur vision sur l’extérieur est évidemment entachée d’une certaine propagande anti-capitaliste mais finalement, ils n’ont pas vraiment d’idées sur ce que l’on vit de par le monde ou de ce qu’ils voudraient pour eux-même. Dans l’état actuel des choses et si Cuba continue son avancée frénétique et incontrôlée vers le changement, il est malheureusement à craindre qu’elle s’engouffre dans un capitalisme débridé et ravageur.
Conclusion
Cuba vit une époque de transition où la bride a été lâchée sans pour autant accompagner le peuple vers un développement durable et raisonnable. Autant l’état s’affaire à trouver des solutions au manque de solution d’hébergements en signant des accords avec de grandes marques hôtelières internationales, autant rien ne prépare les cubains à accueillir un tourisme de masse dans un certain respect humain et de son environnement. Ce thème particulier fera l’objet d’un article à part entière.